Sunday 31 January 2010

Chapitre 6

La murène, car c’était chez elle qu’on allait, la murène avait sa maison tout au fond du quartier, d’une galerie pleine de tourbillons et de courants contraires qui s’échappaient de tous côtés!

L’endroit était terrifiant, surtout l’orsqu’on savait qu’une murène y dormait!

Mais quelle ne fut ma surprise en découvrant son repaire:

La galerie s’arrondissait et par une fissure dans la pierre, une grosse anémone jetait ses reflets roses et verts sur la vieille murène grise qui souriait en dormant!

Il fallut la réveiller pour nous mettre au travail. Ses dents étaient autrement plus pointues que celles du Ro’I et je dus éviter plusieurs fois d’être mordu car la vieille dame était exquise mais elle riait tout le temps!

Des fous rires la prenaient, que je sus bientôt reconnaître par le grand tremblement qui la secouait juste avant!

Elle et la crevette s’entendaient comme des copines, aussi je les laissais rigoler et travaillais de mon côté.

Je finissais d’astiquer une molaire, lorsqu’un mouvement imperceptible attira mon attention!

Une bestiole se cachait là! Il fallait la virer!

Je me mis à sa recherche, sautant d’un côté, dérapant de l’autre, agrippant la dent des deux mains pour lutter contre le courant qui s’obstinait à m’entraîner.

Soudain, un petit oeil tout rond sort de derrière, disparaît, essaye encore de m’observer! Je bondis et je m’affale sur un petit crabe, pas plus gros que moi!

“Laisse-moi! Laisse-moi! Je ne fais rien de mal ici, laisse-moi, je t’en prie!”

Il avait tellement l’air affolé que j’allais me laisser convaincre, lorsque la crevette grommela derrière mon épaule:

“Tsss! Encore lui! Il n’y a rien à faire: j’ai eu beau lui expliquer qu’ici il est prisonnier, il ne veut pas s’échapper ! Remarque que moi aussi, je me cacherais à tous prix si le Coq du poulailler comptait sur moi pour penser!”

Je restais sans voix! Ainsi, j’avais retrouvé l’esprit du Coq, mais je savais déjà que je n’aurais pas le coeur de déloger le petit crabe…

Rapidement, je lui exposai mon histoire, tandis que la crevette, médusée, avait carrément suspendu son travail.

Et quelque chose me disait que la murène, elle-même nous écoutait, la bouche grande ouverte.

“…alors, il faut que tu remontes avec moi, Petit Crabe”

« C’est vite dit ! » fit tout bas la crevette dans mon dos. « Ces deux-là n’arrêtent pas de rigoler toute la journée ! Ils ne veulent plus se quitter ! »

C’était une drôle d’histoire d’amour ! En attendant, il me fallait trouver une solution pour ramener son Esprit au coq et retrouver ma taille normale !

« Le seul moyen de le sortir de là » continua la crevette « c’est de la faire rire aux éclats mais dès qu’elle le sent délogé, elle serre les dents ! Il faut admettre qu’il est d’un drôle ! »

« Bref » repris-je, agacé « C’est un esprit qui a beaucoup d’esprit!”

A ces mots, un tremblement partit du fond de la murène et se mit à tout secouer !

« Attention ! » hurla la crevette « Accroche-toi !»

Je m’agrippais comme je pouvais aux machoires de la murène pour ne pas être ejecté alors qu’enchantée, elle riait à gorge déployée ! Mais elle se tût aussitôt, passa son enorme langue contre sa dernière dent pour s’assurer que le crabe était toujours son invité. Alors, il me vint une idée folle. C’était la seule qui marcherait. Je mis la crevette au courant et attendis que la murène finalement rassurée desserra ses maxillaires. Puis je me glissais dehors. Je nageais sous son cou et m’afferais à l’astiquer :

« Vous allez être très jolie après mon coup de chiffon ! »

Lentement, je m’approchais de ses branchies. C’était sans doute là l’endroit le plus sensible. Je m’y agrippais des pieds tandis que je la chatouillais à tour de bras, sans m’arrêter. Passé l’instant de surprise, la murène explosa de rire, se tordant comme une anguille et hoquetant « Assez ! Assez ! » jusqu’à ce que le petit crabe soit éjecté comme un boulet.

“Voilà! C’est malin!” cria-t-il, furieux. En l’entendant, la murène fit jaillir son corps enorme des rochers qui l’abritaient et me fixa méchament en faisant grincer ses dents ! Heureusement, mon amie crevette réagit au même instant : elle se mit à remuer derrière sa dernière molaire, faisant croire à la murène que son ami était toujours dans sa bouche. Il n’en fallut pas d’avantage pour qu’elle retrouve sa bonne humeur et qu’elle regagne son abri.

« Le délicieux petit coquin ! Il a des doigts de magicien : je n’ai jamais autant ri ! »

Et ce furent les derniers mots que j’entendis avant d’être propulsé à la surface de la mer.

(à suivre)

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