Saturday 30 January 2010

Chapitre 5

Ainsi donc, je respirais dans l’eau! Il ne m’en fallut pas plus pour reprendre courage. Mais je n’eus pas trop le temps d’essayer ma nouvelle découverte.

En effet, le rouget céda sa place au Ro’I qui, d’un rapide coup de queue, vint assombrir ma cachette de son ombre gigantesque.

Oubliant toute prudence, je lachais la fleur de corail où je m’étais réfugié et fus impitoyablement emporté par le courant.

Les machoires grandes ouvertes du Ro’I allaient-elles être ma dernière demeure?!

Lançant mes bras dans tous les sens, je m’imaginais déjà broyé par les dents puissantes que je voyais défiler!

Lorsque quelqu’un m’attrapa par le col de ma chemise.

“Au lieu de t’amuser, Petit, donne-moi un coup de main! Je suis tout seul et c’est pas le travail qui manque ici!”

Une crevette! C’était une crevette! Et par quel miracle était-elle encore vivante parmi ces dents puissantes?!

Elle m’entraîna par la manche vers les molaires du Ro’I:

“Tiens, fais le fond, pendant que je m’occupe de la devanture! C’est qu’il est exigeant le client!”

Une station de nettoyage! J’étais devenu dentiste pour poissons! Et croyez-moi, ça n’était pas un travail facile!

Ça glissait, ça sentait mauvais, les déchêts se détachaient des dents et volaient sur ma figure!

“Dramatique…” constata la crevette en secouant ses pinces pour les débarasser des saletés gluantes qui s’y collaient! “Encore heureux qu’il y ait le poisson parasite pour entretenir la façade!!…”

Puis, voyant que les clients suivants s’échappaient vers les grands fonds:

“Ah! Je crois qu’on va fermer… Les pêcheurs ont du sortir leurs filets… Heureusement, en fin d’après-midi, j’ai ma cliente préférée: Une vieille dame rigolote qui ne bouge pas de chez elle. Viens, je t’emmène. Tu verras, elle n’arrête pas de rigoler!”

D’une tape sur la dent qu’elle venait de nettoyer, la crevette avertit le Ro’I que le travail était fini et il referma ses terribles machoires tandis qu’elle astiquait son nez.

“Merci, c’est du bon travail! Je t’emmène quelquepart?”

“Oui, aux Grottes Vertes, s’il te plait!”

Et, perchés sur la queue majestueuse du Ro’I, on s’engagea dans le corail, prenant des racourcis par-ci, des contre-courants par-là.

Les quartiers qu’on traversait n’étaient pas trop habités, mais, bientôt, le Ro’I dut ralentir: On devait être au coeur d’une ville, car il y avait des poissons partout et on pouvait à peine bouger!

Ceux qui bavardaient sur le seuil de leur maison durent se ranger sur le côté pour nous laisser passer.

Après quelques tournants, des ruelles enchevêtrées, nous nous arrêtâmes au pied d’une haute paroi verte:

Nous étions enfin arrivés.

(à suivre)

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